Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/9

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Il avait les traits aquilins et sculptés énergiquement ; son front large et couvert d’une forêt de cheveux noirs respirait la volonté patiente, et il y avait une sorte de puissance dans le dessin hardi de sa lèvre charnue, qui ressortait, rouge comme du sang, sur le fond basané de son teint.

À le voir, quand ses paupières étaient closes, on l’eût jugé pour un de ces esprits robustes, audacieux, infatigables, qui cherchent la lutte et se haussent à la taille de tout danger. On eût admiré la forme ovale de son visage, et cette chaude pâleur de sa joue, sous laquelle jouaient des muscles d’acier. Mais s’il venait à ouvrir les yeux, le caractère de sa physionomie changeait comme par enchantement. Il y avait dans son regard, qui ne savait point se fixer, une agitation nerveuse et inquiète. C’était quelque chose d’étrange et de pénible : de grandes prunelles noires, incessamment mobiles, jetant çà et là leurs œillades aiguës et manœuvrant comme la pointe d’une épée qui cherche à tromper la parade.

Ceci, bien entendu, lorsque M. Robert était hors de garde et se croyait à l’abri de toute investigation curieuse ; car M. Robert mettait à profit l’axiome de la philosophie antique : il se connaissait lui-même et n’ignorait aucun de