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LES BELLES-DE-NUIT.

dement, est-ce que vous êtes fâché contre nous ?

Le nabab la pressa contre sa poitrine avec un geste passionné.

— Deux ! s’écria-t-il ; oh ! ce serait trop, c’est vrai !… je n’ai pas mérité tant de bonheur !… Mais si Dieu m’avait donné seulement une fille comme toi, Diane… ou comme toi, ma Cyprienne chérie !… que ma vie serait changée et belle !… et comme je désapprendrais vite à désirer le néant qui suit la mort !…

— Vous qui êtes si bon…, murmura Diane, comment ne croyez-vous plus au ciel ?…

— Parce que, si le ciel existe, il est impitoyable !… Ne vaut-il pas mieux douter que de haïr ?…

Cyprienne écoutait, saisie par cette vague terreur que le blasphème inspire à la foi naïve.

— Oh !… fit Diane avec compassion, vous avez donc bien souffert ?

— Si j’ai souffert !… prononça le nabab d’une voix sourde et avec un accent d’amertume si déchirant que les deux sœurs eurent froid jusqu’au fond de l’âme ; pauvres enfants ! puissiez-vous ne savoir jamais ce qu’est une pareille souffrance !…

Il essaya de sourire, et cet effort rendit plus douloureuse l’expression de profonde angoisse qui était sur ses traits.