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LES BELLES-DE-NUIT.

épousa la femme que je lui avais cédée… Et un jour que je revenais de bien loin, un jour que je m’approchais en tremblant de la maison de mon père, et que je me disais : « Il faudra sourire en voyant leur bonheur, » je rencontrai mon ami sur le chemin…

« Il me refusa sa main froide. Il se mit entre moi et la porte de sa maison. Je repartis ; mon âme était morte… »

Cyprienne et Diane avaient des larmes dans les yeux.

— Pauvre père !… dirent-elles en couvrant ses mains de caresses.

— De quoi faut-il me plaindre ? répéta le nabab avec un élan d’amertume ; et que venais-je faire chez cet homme ?… Je lui avais cédé mon bonheur ; peut-être croyait-il que je venais le reprendre… Oh ! mais je l’aimais tant !…

« Et la jeune fille qui était maintenant sa femme ?… Celle-là, je l’avais abandonnée, presque trahie !… De quel droit pouvais-je lui demander un souvenir ?

« N’était-ce pas moi-même et moi seul qui avais brisé ma vie ?

« Savaient-ils seulement qu’ils avaient tué mon âme, sinon mon corps : lui, parce qu’il me chassait dans sa défiance jalouse ; elle, parce que je lui avais jeté le cri suprême de mon repentir