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LES BELLES-DE-NUIT.

ture, qui partit au galop. Le cheval de l’étranger galopa de front.

— Qui es-tu ?… qui es-tu ? balbutia Penhoël.

Même silence de la part de l’inconnu.

René tremblait.

Au bout d’une heure de marche, pendant laquelle son ivresse fit passer devant ses yeux d’effrayantes visions, son cheval roidit les jarrets et s’arrêta court.

Une nappe d’eau écumante et agitée s’étendait sur la route au-devant de lui. À gauche, le marais de Glénac prolongeait sa surface immense, au centre de laquelle la Femme Blanche balançait les plis de sa robe de brouillard. À droite, la double colline donnait passage au torrent.

En face, on distinguait vaguement, au sommet de la montée, les constructions du manoir.

Il n’y avait pas une seule lumière aux fenêtres.

Mais, au bas de la colline, on distinguait une lueur incertaine qui brillait, à travers les châtaigniers, dans la loge de Benoît le passeur.

— Au bac !… cria René de toute sa force.

Sa voix enrouée dut mourir avant d’arriver au milieu de la rivière.

Il ne se fit aucun mouvement dans la loge.

L’inconnu arrondit ses deux mains autour de sa bouche et cria d’une voix vibrante, qui sonna dans la nuit comme l’appel d’un cor.