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LES BELLES-DE-NUIT.

j’ai fermé les yeux, vaincu par l’opium, j’ai senti longtemps leurs mains dans mes mains… et à travers mes paupières closes, il me semblait encore que je les voyais sourire…

Il passa le revers de sa main sur son front.

— Sais-je ce que Dieu m’envoie ?… reprit-il avec un accent de tristesse et de doute ; depuis hier, les souvenirs se pressent dans ma mémoire… Le passé prend une forme et surgit devant mes yeux incrédules… Mon cœur dormait… Va-t-il s’éveiller pour de nouvelles tortures ?

Il se leva brusquement. Le froid, gagné durant le sommeil, glissa, rapide comme un éclair, le long de ses veines et le fit frissonner.

— Je ne veux plus souffrir !… dit-il ; je ne veux plus croire… Oh ! le hasard aura beau m’apporter l’écho de mes espoirs passés ; mon cœur est mort !…

Il regarda encore tout autour de la chambre, et murmura comme malgré lui :

— Mais où donc sont-elles ? Ce ne peut être un songe, pourtant !… J’ai vu leurs longs cheveux sous la toile de leurs petits bonnets de Bretagne… J’ai entendu leurs voix douces, dont l’accent me faisait plus jeune de vingt années… Voici encore la harpe au milieu de la chambre… Où donc sont-elles ?