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LE VAL-AUX-FÉES.

Ne tressaille pas ainsi ; nous lisons dans ta pensée comme dans un livre ouvert… Si mes sœurs y consentent, je puis te faire trouver l’or que tu cherches.

Rachel prêta l’oreille avidement. Reschine et Mêto secouèrent la tête en signe d’adhésion, et Gulmitte s’approcha de la jeune fille qu’elle prit par la main.

— Écoute, dit-elle en s’efforçant d’adoucir sa voix glapissante, — il est au château de Lucifer un coffre de métal où ton père entasse ses richesses. Il y a dans ce coffre plus d’or que n’en ont vu jamais tes yeux. Plonges-y tes bras jusqu’au coude, ma fille ; prends les dix mille écus qui te sont nécessaires, — et n’aie point de remords, car cet or, c’est de l’or volé !

Ce disant, Gulmitte ricana, et ses sœurs l’imitèrent. Rachel fit un geste de dégoût.

— Tu ne veux pas ! s’écria Mêto. Cœur dégénéré ! Tu répugnes à suivre les exemples de ton père.

Reschine se contenta de faire une effroyable moue.

— Eh bien, reprit Mêto, je vais te donner un autre moyen… Vends-nous ton âme pour dix mille écus.

— Vends-nous ton âme, répétèrent Gulmitte et Reschine.

Et, comme Rachel, tremblante, à demi morte, ne pouvait point trouver de réponse, les trois fées, croyant qu’elle hésitait, se réunirent pour la presser.

Ton âme, dit Gulmitte, deviendra une âme de fée : tu connaîtras le passé, tu verras le présent, tu devineras l’avenir.

— Tu pourras faire du mal à tes ennemis, ajouta Reschine en passant sa langue pointue sur ses lèvres, comme si l’idée de la vengeance avait pour elle une palpable saveur.

— Tu seras belle, reprit Gulmitte, qui disposa ses cheveux hérissés avec une grotesque coquetterie.