Au choc, Nielle avait repris ses sens.
La situation de nos trois naufragés était désespérée, le mât ne pouvait les supporter tous trois. Jouvente soutenait d’une main Nielle que la terreur affolait ; de l’autre, il cherchait son poignard à sa ceinture. Robert avait laissé échapper le sien.
Jouvente trouva son poignard. Chaque vague submergeait le mât ; il fallait en finir, Jouvente leva son arme et se dressa pour frapper.
Robert n’essaya point de se défendre, mais il dit avec une résignation pleine de triomphe :
— C’est moi qu’elle aime !
Jouvente retint son bras et se sentit hésiter. L’angoisse du doute déchirait son cœur. Son regard désolé errait de Nielle à Robert. Enfin, il se pencha vers cette dernière.
— Est-ce vrai ? demanda-t-il d’une voix tremblante.
Nielle, à son tour, hésita.
— Il a menti, n’est-ce pas ? s’écria Jouvente dont un espoir passionné réchauffa l’âme ; dis-moi qu’il a menti, Nielle.
Il brandissait de nouveau son poignard.
— Je l’aime ! prononça faiblement la jeune fille.
Jouvente jeta son poignard loin de lui. Il était pâle comme la mort, et ses yeux sans larmes regardaient le ciel.
— Il n’y a place ici que pour deux, murmura-t-il ; monseigneur, faites-la bien heureuse !
Ce disant, il lâcha prise et disparut sous une vague. Le mât, à demi submergé, se releva.
— Jouvente ! Jouvente ! cria Nielle en pleurant.
Le vent apporta un adieu lointain déjà. Puis on n’entendit plus rien que l’assourdissant fracas de la tempête.