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LES CONTES DE NOS PÈRES.

d’une bien illustre naissance, pour que son caprice fût ainsi accueilli par le respect et l’humilité.

Le prêtre, néanmoins, parut bientôt se souvenir que son ministère était au-dessus de toute distinction sociale.

— Ma fille, dit-il d’un ton ferme, vous êtes bien jeune…

— Qu’importe ?

— Peu importe, en effet. Eussiez-vous l’âge d’une femme, votre place ne serait point au milieu des camps. N’est-ce point assez des hommes pour répandre le sang dans cette déplorable querelle ?

Marie écoutait, le front haut ; un sourire impatient et railleur précéda sa réponse.

— Mon père, dit-elle, je suis femme ; je le sais ; c’est un malheur. Mais monsieur mon cousin de Rieux est mort en exil, je suis le dernier rejeton de la plus illustre maison de Bretagne, et, par la Vierge ! ma sainte patronne, je dis : Foin de mon sexe ! et je porte l’épée. Il ne faut pas, voyez-vous, que l’héritage de Rieux tombe en quenouille !

— Bravo ! murmura Jean Brand dont l’œil rayonna d’enthousiasme.

— Que Dieu ait pitié de vous, ma fille, dit le prêtre, car votre cœur est plein d’orgueil.

Et il se retira lentement.

Le docteur était né vassal de Rieux. Involontairement saisi par le souvenir de tous les bienfaits dont cette noble race avait de tout temps comblé le pays, il se découvrit à son tour.

— Citoyenne, balbutia-t-il avec embarras, j’ai refusé asile à Marie Brand, mais Marie de Rieux…

— Assez, monsieur ! interrompit la jeune fille avec mépris ; je ne veux point vous dire ce que je pense de vous,