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LE MÉDECIN BLEU.

— Si fait… Je crois me souvenir… Mais je trouve injustes et cruelles ces prescriptions qui font de la femme un être passif, un être nul…

— Nul pour le mal, et tout-puissant pour le bien ! pensez-vous que ce soit un mauvais partage que le nôtre ?

— Je ne sais, dit Marie en soupirant ; peut-être as-tu raison… En tous cas, pour reculer, je suis trop avancée…

— Est-il jamais trop tard pour reconnaître ses torts ? dit Sainte.

— Pour toi… pour tout autre… non ! Mais je m’appelle de Rieux, et suis seule pour soutenir la gloire de ma race… Adieu ! Sainte, les paroles amollissent mon cœur, et j’ai besoin d’un cœur de bronze… Adieu !

Marie de Rieux déposa un baiser sur le front de Sainte, et la congédia d’un geste. Quand elle fut seule, elle tomba dans une profonde rêverie et murmura machinalement :

— Paix, conciliation, pitié !… C’est là le rôle d’un ange et non d’une créature mortelle… et pourtant c’est celui de Sainte.

Cette dernière rentra dans la caverne, et chercha des yeux Jean Brand, qui vint aussitôt à sa rencontre d’un air triste.

— J’ai interrogé tout le monde, dit-il, et personne n’a pu me répondre.

— N’y a-t-il plus d’espoir ? murmura Sainte accablée.

— Notre bande n’est pas seule, répondit le bedeau. J’irai, je m’informerai.

— Oh ! merci, merci, monsieur Brand ! s’écria Sainte. Dieu vous récompensera.

— Pensez-vous donc, dit le paysan en montrant sa poitrine, que ceux que vous appelez des brigands n’ont pas là