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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/37

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MADAME GIL BLAS

La Noué avait-elle commis cette faute à dessein, ou était-ce la suite de son ivresse ?

Il faut pencher pour la première opinion, car elle dit d’un ton de colère :

— Avez-vous honte de moi, l’homme !

C’était donc un tour qu’elle lui jouait. L’homme de loi avait sa position à garder, et peut-être cette redoutable conquête lui faisait-elle honte en effet.

La Noué avait une réputation de laideur qui s’étendait à dix lieues à la ronde. À cause de cela et aussi pour sa belle conduite envers son père et moi, on la respectait comme un corps saint.

L’homme de loi, après avoir hésité pendant une bonne minute, jeta son bonnet par-dessus les moulins et entra. En passant devant le grabat du père Lodin, il me fit un signe de menace.

Je vis quelque chose d’extraordinaire et qui me fit mal : l’intelligence du vieillard sembla renaître pour un instant. De grosses larmes roulèrent de ses yeux sur sa joue.

Ducros souleva la serpillière.

— À la fin ! dit la Noué ; prenez le cidre et soufflez la chandelle.

Ce fut Scholastique qui m’éveilla le lendemain matin. L’homme de loi n’était plus là. Elle me montra la hache à fendre le bois.

— Ça te couperait bien le cou, dit-elle ; moi, je ne m’embarrasse pas qu’on parle… il