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Page:Féval - Madame Gil Blas (volumes 1 à 4) - 1856-57.djvu/39

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MADAME GIL BLAS

Le métier nouveau que j’apprenais là valait mieux que l’ancien. Je nattais des lanières de cuir pour faire des fouets. Que n’eussé-je pas appris avec un maître comme Gustave ? Au bout de deux mois, j’étais bonne ouvrière.

Ce furent deux bons mois ; mais comme les heureux jours passent vite ! Et comme je me retrouvai seule et triste dans la loge quand il m’y fallut passer des journées entières devant ma tâche ingrate ! Près de Gustave, le travail était un plaisir ; nous avions toujours quelque chose de joli et d’intéressant à nous dire, et si quelque témoin nous gênait, avions-nous besoin de paroles ?

Dans le pays, on disait que la Noué m’avait fait apprendre un état sédentaire pour que le vieux Lodin ne fût jamais sans société. Ducros clabaudait pour lui faire obtenir un prix Montyon.

Rien de ce qui se passait dans la loge ne transpirait au-dehors. Le bonhomme était muet, la frayeur me fermait la bouche. Gustave venait parfois le matin, car sa sœur aînée s’était réconciliée avec lui à l’occasion de mon apprentissage ; mais, le matin, la Noué n’était qu’une femme très laborieuse, à qui son travail faisait un peu oublier les soins de la propreté. Elle ne commençait à boire que vers midi ; elle buvait toute seule, depuis qu’on n’avait plus besoin du rendez-vous au cabaret.

Tout en travaillant à mes nattes, j’avais l’oreille