Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/160

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duisait auprès de M. David Ruggles, secrétaire du North vigilance comitee. Plus d’inquiétudes ! M. Ruggles, après m’avoir abrité sous son toit, faisait venir de Baltimore ma fiancée — elle était libre — le Rev. Pennington, ministre presbytérien, bénissait notre mariage ; et le jour même, nous montions à bord du Richmond, destination New-Bedford, Massachussets, où nous envoyait la prudence de notre ami.

En ce temps-là, qu’il plût, neigeât, ventât, les noirs étaient parqués sur le pont du bâtiment. Peu nous importait, nous en avions vu bien d’autres ! — À Newport, une vieille diligence jaune, ornée sur le panneau de ces mots : New-Bedford, prenait les voyageurs du steamer. Bon ! Mais où prendre le prix des places ? Deux quakers se disposaient à monter :

— Entre donc ! — fit l’un d’eux.

Jamais ordre ne fut plus allègrement obéi.

À Stone Bridge, les passagers descendirent pour déjeuner et régler les comptes. Nous sautâmes, pieds joints, par-dessus les deux cérémonies. Le conducteur me regardait de travers :

— Je payerai sitôt arrivé ! — fis-je hardiment.

New-Bedford atteint, le conducteur retint notre modeste bagage, y compris trois cahiers du musique ; le tout vite dégagé, grâce au prêt de deux dollars, que m’avança M. Nathan Johnson, négociant de couleur auquel nous étions recommandés. — Rien ne rendra les bontés du respectable vieillard : étrangers, il nous reçut ; affamés, il nous fit asseoir à sa table ; bien plus, il m’indiqua les moyens de gagner honorablement notre vie.