Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/161

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New-Bedford ne présentait pas les dangers de New-York. Il me parut sage toutefois, de prendre un autre nom. Je tenais de ma mère, ceux-ci : Frédérik, Augustus, Washington, Bailey. J’avais sacrifié les deux premiers à Baltimore. En quittant New-York, j’avais remplacé les deux derniers par celui de Johnson. Mais les Johnson abondant à New-Bedford, j’acceptai de mon ami Nathan le nom de Douglas : le noble nom du héros écossais.


Jusqu’ici nulle idée, ni de la civilisation, ni de la prospérité dont jouissait le Nord, n’avait pénétré dans mon cerveau. Esclavage et richesse, n’étaient-ils pas synonymes ? Ne regardait-on point, en Maryland, comme un misérable sans sou ni maille, tout homme blanc qui ne possédait pas de noirs ? Les gens de cette espèce, ne se voyaient-ils point flétris du sobriquet de : friperie blanche ? Et si, dans le Sud, on les tenait pour maigre fretin, type d’indigence et d’ignorance ; le Nord tout entier, ce Nord privé d’esclaves, ne devait-il pas présenter un lamentable aspect de pauvreté, de désordre, d’ânerie, d’abaissement général ! J’allais écrire de dégradation. Dans le Sud, le mot se prononçait.

Qu’on juge de ma surprise lorsque, tout à coup, je me trouvai en présence de cette richesse et de cette grandeur !

Les ouvriers, à New-Bedford, occupaient de meilleures habitations, plus élégamment meublées, vivaient plus largement que maints planteurs du comté Talbot. M. Nathan Johnson, mon frère noir, possédait maison spacieuse, bibliothèque, journaux, et connaissait mieux