Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/162

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le monde littéraire, politique et social, que les neuf dixièmes de nos gentlemen du Maryland.

Je ne fus pas longtemps à comprendre. Quelques heures passées dans les chantiers et sur le quais, suffirent à m’éclairer. Là, je trouvai l’industrie sans fièvre, l’activité sans bruit ; le travail, le bon, le noble travail sans fouet. Ni blasphèmes ni querelles ! Tout allait comme une machine bien huilée.

Tenez : le chargement et le déchargement des navires ! Dans le Sud, trente mains faisaient mal, ce que cinq hommes, avec un honnête vieux bœuf, faisaient bien ici. Avec soixante dollars que lui coûtait le bœuf, New-Bedford accomplissait plus de besogne que Baltimore, avec douze mille dollars d’esclaves ! Toutes choses, pour le dire en un mot, y témoignaient d’un meilleur respect de l’homme, du temps, de la force… et de l’argent.

Au lieu d’aller puiser l’eau à cent yards, la servante n’avait qu’à tourner un robinet. Le bois de chauffage, au lieu de pourrir sous les neiges et les averses ; proprement coupé, s’entassait au sec. Drains, égouts, portes à ressort, machines à broyer, à presser, à laver ; il y avait de tout et plus encore. Même aspect dans les docks. Chacun y prenait le travail au sérieux. D’un seul coup sur la tête, le charpentier enfonçait son clou. Le calfateur, qui ne s’amusait pas à des fioritures de maillet, frappait droit et dur. L’ouvrage marchait rondement. Les vaisseaux entrés malades, sortaient du chantier plus solides que neufs. Partout, la matière domptée par l’esprit !

Tandis qu’un noir, fût-il libre, restait au Sud entaché