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Page:F.Douglass, Mes années d'esclavage et de liberté, 1883.djvu/249

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au Texas. Pas un mot, quand les héros de couleur, escaladant sous la mitraille les parapets du fort Wagner, pour y planter la barrière étoilée ; leurs camarades capturés, ont subi tortures et mutilations. Je sais que vous m’allez dire : Ayez patience, la justice viendra ! Et moi, je vous le demande, combien faudra-t-il voir de régiments noirs taillés en pièces, de prisonniers de guerre vendus, déchirés, suppliciés, avant que M. Lincoln se décide à dire : C’est assez !


À ma lettre, le major Stearns répliqua deux mots : — Voyez Lincoln !

Voir Lincoln ! Moi, l’homme noir, entrer dans la Maison-Blanche ! Moi, l’esclave, affronter la présence du chef suprême de la plus vaste république des deux mondes ! — De quel droit, au nom de qui, en vertu de quel mandat ? Ne me fermerait-on point, tout uniment, la porte au nez ? Et si l’audience m’était accordée, ne se résumerait-elle point en cet avis : — Retournez à vos affaires, et laissez à ceux que cela regarde, le soin de gouverner l’État.

Mes relations avec Charles Sumner, Wilson, Pomeroy, Salmon, Chase, Seward, Dana, tous sénateurs, quelques-uns en possession de charges importantes, me rassuraient un peu. Conseillée au surplus, l’entrevue devenait un devoir. Pas question de reculer.

S. Pomeroy m’introduisit. La chambre où Lincoln recevait alors ses visiteurs, est celle qu’occupent maintenant les secrétaires du président. J’entrai, pénétré de ma petitesse. Heureusement pour moi, Lincoln n’ai-