Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/133

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se l’imaginer d’avance. Plusieurs étaient portés à croire qu’il n’y avait guère à choisir entre la liberté et l’esclavage. Nous sentions avec raison qu’il valait presque autant être esclaves de l’homme que de l’ivrognerie. Ainsi, à la fin de nos vacances, nous nous relevions avec effort de la fange de la débauche, nous respirions lentement, et nous marchions aux champs, en sentant, après tout, une espèce de joie à sortir de ce que la tromperie de notre maître nous avait fait prendre pour la liberté, et à nous rejeter dans les bras de l’esclavage.

J’ai dit plus haut que cette coutume-là est une partie du système entier de fraude et d’inhumanité que présente l’esclavage, et c’est vrai. On étend à d’autres choses le moyen employé pour dégoûter l’esclave de la liberté, en ne lui en faisant voir que l’abus. Par exemple, supposons qu’un esclave aime la mélasse, et en vole. Que fait son maître ? Il va à la ville, en achète une grande quantité, revient, prend son fouet, et ordonne à son esclave de manger de la mélasse, jusqu’à ce que le pauvre misérable s’en dégoûte au point d’avoir envie de vomir, rien qu’à en entendre parler. On se sert du même procédé pour obliger les esclaves à ne pas demander plus de nourriture que la quantité qui leur est régulièrement allouée. Voici comment on s’y prend.