Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/146

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nada, il nous était inconnu. Nos connaissances au sujet du nord, ne s’étendaient pas plus loin que New-York ; et la pensée d’y aller, pour y être sans cesse harassés par la chance épouvantable d’être repris, et de retomber dans l’esclavage, et par la certitude d’être, dans ce cas-là, traités dix fois plus mal qu’auparavant, était vraiment une pensée horrible, dont il n’était pas facile de triompher. Voici quel était quelquefois le tableau que notre imagination se figurait. Nous découvrions devant nous, à chaque porte par laquelle nous devions passer, un garde ; près de chaque rivière qu’il faudrait traverser, un surveillant ; à chaque pont, un factionnaire ; dans chaque bois, une patrouille. Nous nous voyions environnés de toutes parts. Telles étaient les difficultés réelles ou imaginaires que nous envisagions. Tels étaient les avantages à chercher, et les maux à éviter. D’un côté, se présentait l’esclavage, sombre et terrible réalité, qui nous regardait d’un œil farouche, monstre affreux, dont les vêtements étaient déjà rougis du sang de millions d’infortunés, et qui se gorgeait encore de notre chair. De l’autre côté, dans le lointain obscur, à la lumière incertaine de l’étoile du nord, derrière une colline raboteuse, ou une montagne couverte de neige, se tenait la liberté ! La liberté, grande et noble figure, qu’il était dou-