Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/182

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par un vaisseau de guerre appartenant à une nation amie. Dans une lettre que j’adressai à un de mes plus chers amis après mon arrivée à New-York, je lui représentai mes sentiments comme pareils à ceux d’un homme qui serait parvenu à s’échapper d’un antre plein de lions affamés. Cependant la vivacité de mes transports ne tarda point à se calmer et à faire place à un sentiment de danger et de solitude. Mon manque de sécurité m’alarmait ; je me disais à moi-même qu’on pouvait me saisir et me plonger de nouveau dans les tortures de l’esclavage. Cette pensée seule aurait suffi pour affaiblir l’ardeur de mon enthousiasme ; mais c’était surtout mon état de solitude et d’abandon qui m’accablait. Je me trouvais au milieu de plusieurs milliers d’êtres humains, et pourtant je sentais que pour chacun d’eux je n’étais qu’un pauvre étranger. Je me voyais entouré d’une multitude de mes semblables, tous enfants d’un même père ; et pourtant moi, sans asile et sans amis, je n’osais révéler à aucun d’eux ma misérable condition, je n’osais parler à personne, de peur de m’adresser à un ennemi, et de tomber ainsi entre les mains de ces infâmes voleurs d’hommes que la cupidité pousse à se mettre aux aguets pour attendre le fugitif haletant, s’élancer