Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/30

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cité extraordinaire de la part d’un surveillant. C’était un homme endurci par une longue existence au milieu des esclaves soumis à son pouvoir. Quelquefois il semblait prendre un réel plaisir à les fouetter. J’ai été souvent réveillé au point du jour par les cris perçants de ma vieille tante, qu’il avait l’habitude d’attacher à une solive et de fouetter sur le dos nu jusqu’à ce qu’elle fût toute couverte de sang. Ni les paroles, ni les larmes, ni les prières de sa victime ensanglantée, ne semblaient capables de toucher son cœur de fer et de le détourner de sa résolution barbare. Plus elle criait haut, plus il fouettait fort, et c’était à l’endroit où le sang coulait le plus abondamment qu’il fouettait le plus longtemps. Il la fouettait pour la faire crier, il la fouettait pour la forcer de se taire, et ce n’était que lorsqu’il se trouvait épuisé de fatigue qu’il cessait d’agiter le fouet sanglant. Je me rappelle le premier jour que je fus présent à cet horrible spectacle. J’étais fort jeune, mais j’en ai un vif souvenir, qui ne s’effacera jamais tant que je conserverai la mémoire. Ce fut le premier d’une longue suite de pareils outrages dont j’étais destiné à être spectateur et à avoir ma part. Cet événement me frappa l’esprit avec une force épouvantable. C’était la porte toute souillée de sang, c’était l’entrée de l’enfer,