Page:Fabié - La Poésie des bêtes, 1879.djvu/110

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Or les guerriers tombés en arbres reverdirent ;
Leurs branches au soleil chaque jour s’étendirent,
Et flottèrent au vent comme des étendards,
Superbes, et gardant encor dans leurs ramures
Des clameurs du combat quelques vagues murmures,
Et se couvrant de fruits tout hérissés de dards.

Les voilà tels qu’ils sont tombés dans la bataille !
Ce géant dont le sein porte une rouge entaille
Fut sans doute un des chefs par le destin trahis,
Et ces autres, courbés, tordus, couverts de rides,
Témoignent qu’au combat tous furent intrépides,
Et que les vieux aussi sont morts pour le pays.

Là, deux arbres jumeaux, mariant leurs feuillages,
Lèvent leurs fronts sereins épargnés des orages
Et toujours visités des ramiers au printemps :
Ce sont deux amoureux que la guerre farouche
Surprit l’espoir au cœur, des baisers à la bouche,
Et qui sont toujours beaux, ayant toujours vingt ans…