Page:Fabié - La Poésie des bêtes, 1879.djvu/109

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Au lieu des glands amers dont vivaient nos ancêtres,
Ou du stérile gui recherché de leurs prêtres,
Le châtaignier, sous les soleils de fructidor,
Suspend à ses rameaux les baugues où sommeille
Le marron qui, l’hiver, sous la braise vermeille,
Entr’ouvre sa tunique et montre son cœur d’or.

Je sais un champ planté de ces arbres rustiques,
Dont les épais rameaux et les tiges antiques
Rendent, aux vents d’hiver, de terribles accords…
Tantôt on croit ouïr l’orgue des cathédrales,
Parfois de longs sanglots, parfois aussi des râles…
On appelle ce lieu la Grand-Combe des Morts.
 
Un village jadis occupait cette terre.
Ruthènes et Romains, — César contre Luctère, —
Combattirent, dit-on, sur ce vieux sol gaulois ;
Mais, l’aigle ayant enfin terrassé l’alouette,
La glèbe but le sang, et la Gaule muette,
Pour fuir le joug romain, s’enfonça dans ses bois.