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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

Et puis ceci, et puis cela. Devait-il se rengorger, le corbeau, de s’entendre ainsi complimenter !

Paul. — Ce renard était un fin matois. Pour mieux faire tomber le corbeau dans le piège de flatterie, au lieu de débuter par des louanges outrées, qui auraient pu éveiller la méfiance de l’oiseau, non dépourvu de quelque bon sens, il commence par faire l’éloge de ce qui n’est pas vraiment sans mérite. Vu de près, le corbeau n’est pas d’un noir uniforme : il a sur le dos des reflets pourprés et bleuâtres, et sous le ventre une teinte verte ondoyante. Cela reluit, cela brille à la manière des métaux polis. Aux premiers mots flatteurs, le corbeau, vous vous en doutez bien, donne à son costume un coup d’œil complaisant, et, le voyant reluire de bleu, de pourpre et de vert, le trouve aussi riche que le dit le renard.Tête du corbeau.
Tête du corbeau.
Maintenant l’oiseau est préparé à point, il est mûr pour la grosse louange. Le renard lui fera croire que sa puanteur de charogne est arôme de musc, que son croassement est mélodieux ramage. C’était là le difficile, le faire croasser, lui faire ouvrir le bec, qui tenait le fromage.

Émile. — Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ce bois.

Paul. — Voyez-vous venir le roué coquin ? L’affreux crau, crau, est appelé ramage, gazouillement de fauvette, cantate de rossignol. S’il avait débuté par là, son compliment trop grossier le faisait échouer. Mais il a très habilement préparé les voies, et de plus, pour mieux piquer la sotte vanité du corbeau, il met à son admiration une forme dubitative. Je sais, dit-il, que vous possédez un chant rendu célèbre par la renommée ; on en parle avec éloges dans tout le canton ; mais encore ce ramage se rapporte-t-il au plumage ? ce chant est-il