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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

XXII

LES PICS

En face de la maison de l’oncle Paul est un bosquet de hêtres plusieurs fois séculaires, dont le branchage s’entrelace à une grande hauteur et forme une voûte continue de verdure supportée par des centaines de troncs lisses et blancs comme des colonnes. C’est là qu’en automne Émile et Jules vont chercher au milieu de la mousse des champignons de toutes les couleurs, pour les soumettre à l’oncle, qui leur apprend à distinguer les espèces bonnes à manger et les espèces malfaisantes. C’est là qu’ils chassent de beaux coléoptères : le cerf-volant, dont la grosse tête plate et carrée porte d’énormes pinces branchues ; les grands capricornes noirs, qui courent au coucher du soleil sur les branches mortes en recourbant leurs antennes noueuses, bien plus longues que le corps ; les saperdes, également empanachées de longues cornes, mais dont les élytres sont richement colorées tantôt de bleu cendré, tantôt de jaune ou de roux, avec des mouchetures et des rubans de velours noir. Une foule d’oiseaux de toute espèce ont choisi ce bosquet pour domicile. Le geai batailleur s’y querelle avec ses pareils pour un grain de faîne ; la pie y babille sur une haute branche, puis va s’abattre dans le pré voisin, hochant la queue et regardant autour d’elle d’un œil méfiant ; les corneilles s’y donnent rendez-vous pour leur assemblée du soir ; le pic y cogne les vieilles écorces pour en faire sortir les insectes et les happer de sa langue visqueuse. Entendez-le, il est à l’œuvre : toc, toc, toc. Si quelque chose le dérange dans son travail, il s’envole en jetant un cri : tiô, tiô, tiô, tiô, tiô, tiô, rapidement répété trente à quarante fois de suite et semblable à un bruyant éclat de rire.

« Quel est cet oiseau qui semble se moquer de nous en éclatant de rire lorsqu’il part ? » se demandaient un jour Émile et Jules, qui de leur fenêtre assistaient aux ébats des pics et des geais dans la ramée des hêtres. Jacques, le jardinier de l’oncle, les entendit tout en arrosant son carré de choux. Ayant bien