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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

disposé les rigoles pour la répartition de l’eau, il vint un moment sous la fenêtre causer avec les enfants.


Jacques. — Cet oiseau-là, voyez-vous, c’est le pic, à plumage vert avec la tête rouge. Il a plusieurs espèces de cris. S’il doit pleuvoir, il dit plieu, plieu, en traînant la voix d’une façon plaintive. Quand il travaille, pour se donner de l’entrain à l’ouvrage, il jette de temps en temps un cri dur : tiacacan, tiacacan, qui retentit dans toute la forêt. À l’époque des nids, il prononce le rapide tiô, tiô, tiô, que vous venez d’entendre.

Jules. — Il a donc maintenant son nid dans le bois de hêtres ?

Jacques. — Il travaille à le faire, car tout le matin je l’ai entendu cogner bien fort. Ce nid, voyez-vous, il le place au fond d’un trou qu’il creuse lui-même à coups de bec dans le tronc d’un arbre. C’est un fier bec, allez, que celui du pic. Il est si dur et si pointu, que l’oiseau craint toujours d’aller trop avant dans le bois. Après deux ou trois solides coups donnés, il court vite de l’autre côté pour voir si le tronc n’est pas percé de part en part.

Jules. — Ah bah ! vous voulez rire.

Jacques. — Du tout : on le dit comme ça, et puis j’ai vu souvent moi-même le pic s’empresser d’aller voir de l’autre côté du tronc.

Jules. — Le pic doit avoir un autre but que de s’assurer que l’arbre n’est pas transpercé. Je le demanderai à l’oncle.

Jacques. — Demandez-lui aussi s’il connaît l’herbe du fer, avec laquelle le pic se frotte le bec pour le rendre plus dur que l’acier.

Jules. — Votre herbe du fer me parait bien être un conte.

Jacques. — On le dit comme ça, voyez-vous ; par moi-même, je n’en sais rien. On dit que c’est une herbe d’une grande rareté, que le pic va chercher dans les montagnes les plus sauvages pour se durcir et s’aiguiser le bec. Tout ce qui est touché par cette herbe prend la dureté du meilleur acier. Quelle bonne trouvaille ce serait pour ma faux et ma serpe, ma faucille et mon greffoir ! J’en sais plus d’un qui donnerait un beau sac d’écus pour le secret du pic.


Les choux avaient assez bu ; c’était le tour des laitues. Jacques revint à ses rigoles d’arrosage, tandis que les enfants se creusaient la tête pour savoir ce qu’il pouvait y avoir de