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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

Le torcol est voisin des pics par la conformation de ses pattes, dont les quatre doigts se divisent en deux paires, l’une dirigée en avant, l’autre en arrière ; par sa langue très longue et enduite de glu, qu’il darde dans les fourmilières ou qu’il étale à terre pour cueillir les insectes qui passent. C’est un petit oiseau de la taille d’une alouette. Son plumage est ondé de noir, de brun, de gris et de roussâtre, à peu près comme celui de la bécasse, mais les teintes sont plus nettes et d’un plus bel effet. Le torcol est un grand consommateur de chenilles ; il est passionné pour les fourmis, qu’il prend, à la manière des pics, avec sa langue visqueuse couchée à terre sur leur passage. Son nom lui vient de l’habitude qu’il a de tordre et de tourner le cou en arrière, en renversant la tête vers le dos, avec des mouvements lents et onduleux pareils à ceux d’une couleuvre.

Émile. — Pourquoi fait-il ainsi le serpent avec son cou tourné en arrière ?

Paul. — C’est une manière à lui d’exprimer la surprise et l’effroi ; il veut peut-être, par ces replis tortueux de reptile, intimider son agresseur. Il y parvient quelquefois. Si quelque dénicheur grimpe à son trou pour lui dérober ses petits, le torcol jette du fond du nid un sifflement aigu et se met à faire onduler le cou. Les petits, encore sans plumes, à qui mieux mieux, imitent la mère, si bien que le dénicheur croit avoir mis la main dans un paquet de couleuvres, redressant et branlant leurs têtes plates. Effrayé, le gamin descend à la hâte, non sans laisser aux branches un lambeau de sa culotte.

Émile. — Tant pis pour le vaurien.

Paul. — Le torcol nous arrive en avril et repart vers la fin de l’été. Il se tient sur la lisière des bois, et visite les jardins et les vergers pour écheniller. Il niche dans un trou d’arbre, et profite volontiers des travaux abandonnés du pic, qu’il dispose à sa façon par une légère retouche. Les œufs reposent sur une simple couchette de poussière de bois que l’oiseau fait tomber à coups de bec des parois de son trou. Ils sont blancs et vernissés, comme ceux du pic.

Malgré la conformation de ses pieds, le torcol ne grimpe pas contre les arbres, rarement même il se perche ; il préfère se tenir à terre pour rechercher des chenilles ou pour tirer la langue sur le sentier des fourmis, ce qui lui a valu dans les provinces du Midi le nom de tire-langue.