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LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

par des dimensions disproportionnées. De plus, cet œuf est variable de teinte, comme pour imiter un peu la coloration de ceux avec lesquels il doit être couvé, tantôt dans un nid, tantôt dans un autre. Il y en a de cendrés, de roussâtres, de teintés de vert ou de bleu faible. Quelques-uns ressemblent beaucoup à ceux du moineau ; quelques autres sont mouchetés de taches à nuance variable et disposées sans ordre, petites ou grandes, rares ou nombreuses ; d’autres, enfin, sont marbrés de lignes noires. Malgré ces variations, il est toujours facile de distinguer ce qui appartient au coucou dans le contenu d’un nid. Si parmi les œufs il s’en trouve un qui diffère des autres par sa forme et sa coloration, celui-là certainement provient du coucou. À ce signal seul j’ai reconnu l’œuf extrait du nid de la fauvette.

Jules. — Les cinq autres se ressemblent tous comme des gouttes d’eau ; le sixième, que voilà, est bien différent.

Paul. — Aussi suis-je certain qu’il appartient au coucou.

Louis. — Le coucou me paraît bien gros pour qu’il lui soit possible de s’installer dans le nid si petit d’une fauvette, d’un rouge-gorge ou d’un rossignol, et d’y pondre ses œufs.

Paul. — Ce n’est pas de la sorte que l’oiseau procède. L’œuf est déposé à terre, au premier endroit venu ; puis la mère le cueille avec le bec, le met en réserve au fond du gosier, dilaté en poche pour le recevoir, et s’envole dans les fourrés du voisinage à la recherche d’un domicile. Quand elle a trouvé un nid à sa convenance, elle allonge le cou par dessus le bord, ouvre le bec et laisse doucement choir son œuf parmi les autres. Cela fait, le coucou se retire, sans jamais plus revenir au nid et s’informer de ce qui s’y passe. D’autres œufs sont placés de la même manière, qui d’ici, qui de là, un à un dans des nids différents.

Jules. — Et les maîtres des nids laissent en paix le coucou ?

Paul. — S’ils se trouvent chez eux, ils accueillent l’usurpateur à coups de bec et le chassent avec acharnement ; mais d’habitude le coucou épie l’occasion favorable et vient furtivement au nid quand les maîtres n’y sont pas.

Jules. — À leur retour, ils doivent au moins s’apercevoir qu’il y a dans le nid un œuf étranger et le rejeter dehors ?

Paul. — Nullement. La couveuse s’aperçoit-elle qu’il y a un œuf de plus à son compte ou ne s’en avise-t-elle pas, c’est ce que je n’oserais décider. Toujours est-il que, puisqu’il faut