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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

du coucou ; je vous en dirai deux mots, pour vous mettre en garde contre ces puériles croyances.

On dit d’abord que le coucou change deux fois par an de nature. Il est coucou tout le printemps, il est épervier le reste de l’année. Il nous arrive de loin en avril, avec la première forme, sur le dos du milan, qui veut bien lui servir de monture pour ménager la faiblesse de ses ailes, encore endolories du travail de la transformation. — Le plumage de l’oiseau, qui, je vous l’ai dit, ressemble par les barres transversales brunes de la poitrine à celui de certains oiseaux de proie, a certainement donné lieu à cette prétendue métamorphose du coucou en épervier, puis de l’épervier en coucou. Des observateurs trop naïfs se sont laissé prendre à cette variété de costume. L’oiseau chante-t-il, en avril et mai : c’est un coucou, puisqu’il en a la voix ; est-il muet, en été : c’est un épervier, puisqu’il en a le plumage. Donc le coucou devient épervier, donc l’épervier redevient coucou. Depuis des mille et mille ans, ce raisonnement saugrenu a convaincu le grand nombre.

Le coucou émigre : il reste dans nos pays d’avril en septembre, et se retire en Afrique aux approches de la mauvaise saison. Pour expliquer sa réapparition au printemps, on a imaginé de le faire transporter par un milan, qui le prendrait sur ses épaules. Inutile de vous dire qu’il n’y a pas un mot de vrai dans ces contes ridicules. Le coucou reste toujours coucou ; il revient des pays chauds sur ses propres ailes, comme revient l’hirondelle.

D’autres prétendent que le coucou se change en crapaud.

Jules. — N’est-ce pas parce que le coucou, encore au nid et sans plumes, est très laid et ressemble au crapaud ?

Paul. — Justement. Enfin on accuse le coucou de jeter sur les plantes une salive funeste, qui procrée des insectes. Voici la vérité vraie. Un tout petit insecte d’un vert tendre, et semblable de forme à la cigale, a l’habitude de piquer de son suçoir les tiges des plantes pour en faire suinter la sève, qui s’amasse au dehors en un flocon de blanche écume ayant l’aspect de la salive. Au centre de cette mousse écumeuse et fraîche l’insecte se tient, dans le but de se garantir des ardeurs du soleil et de s’abreuver à l’aise. C’est là tout. L’insecte se nomme cercopis écumeux ; le tort qu’il fait aux plantes est insignifiant. La prétendue salive malfaisante du coucou est