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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

vide nommé barre ; c’est là que repose le mors du cheval harnaché. Après la barre se montre la véritable machine à triturer, composée de quatorze paires de robustes molaires, à couronne plate et carrée, armée en outre de sinuosités légèrement saillantes, dont je vous ai fait remarquer déjà la haute utilité. Ou je me trompe fort, ou voilà bien un moulin capable de broyer la paille coriace et le foin filandreux.

Pour terminer, voici la tête d’un lapin. Chaque mâchoire est armée de deux incisives énormes qui s’enfoncent profondément dans l’os, se recourbent en dehors et se terminent par une couronne tranchante. À quoi peuvent servir de pareilles incisives ?

Jules. — Je vais vous le dire. Le lapin grignote toujours.Demi-mâchoire de cheval vue par la couronne.
Demi-mâchoire de cheval vue par la couronne.
À défaut de choses meilleures, il s’attaque à l’écorce, au bois même. Il emploie ses incisives pour couper très menu sa maigre nourriture, pour la ronger.

Paul. — Pour la ronger, c’est bien le mot ; aussi donne-t-on le nom de rongeurs aux divers animaux qui possèdent de pareilles incisives. Tels sont l’écureuil, le lièvre, le lapin, le rat et la souris, espèces en général misérables, destinées à ronger continuellement les substances végétales les plus coriaces et à faire ventre du bois, du papier, des chiffons, quand il n’y a rien de meilleur à mettre sous le moulin qui doit toujours aller. Ce n’est pas d’ailleurs uniquement pour satisfaire la faim que ces animaux rongent presque sans repos : une autre nécessité les y porte. Leurs incisives croissent pendant toute la vie et tendent à s’allonger indéfiniment ; il faut donc