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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

les savants le nomment lézard ocellé, à cause des points noirs disposés en ocelles, c’est-à-dire en espèces de petits anneaux ou d’yeux, sur le fond vert-bleuâtre du dos. Ce lézard habite les pentes arides, exposées à toute la violence du soleil. Il se creuse un profond terrier dans les points sablonneux, d’habitude sous la corniche d’une pierre faisant saillie. Confiant dans ses fortes mâchoires, il est d’une audace qui impose. Non seulement il se jette au museau des chiens, mais encore il tient tête à l’homme et lui court sus quand il se voit traqué de trop près. Ce courage lui a valu une effrayante réputation parmi les gens de la campagne, qui le croient très dangereux, plus venimeux même que la vipère.

Or l’oncle Paul, qui connaît la rassade comme le fond de sa poche, qui en a guetté pas mal, des jours entiers, pour étudier leurs mœurs, qui leur a examiné attentivement les mâchoires pour se rendre compte de la morsure, qui s’est même laissé mordre, pour se former une complète conviction, l’oncle Paul affirme à tous que le redouté lézard ne mérite pas la noire réputation qu’on lui a faite. La rassade n’est venimeuse en aucune manière ; elle mord rudement, c’est vrai, elle tenaille la peau saisie, emporte même le morceau, mais sans empoisonner la blessure ; en somme, elle n’est guère plus à craindre que le lézard vert ordinaire. Sa nourriture consiste en scarabées, en sauterelles, en petits rats des champs ; aussi, malgré la frayeur qu’il inspire, je m’empresse de classer le lézard ocellé au nombre des auxiliaires.

XXXV

LES BATRACIENS

Paul. — J’ai gardé pour la fin le plus laid, le plus misérable : le crapaud. Avec lui se classent les grenouilles et les rainettes, à cause d’une étroite ressemblance de forme, à cause surtout des changements profonds que ces divers animaux subissent pour arriver de l’œuf à l’état adulte. Le langage vulgaire donne indistinctement le nom de reptiles, d’un mot latin signifiant ramper, à la couleuvre et au cra-