Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

bouteille renversée, soigneusement crépi de glaise et lissé à l’intérieur. Une chaude couchette de mousse et de menues herbes sèches en forme l’ameublement. C’est là le lieu de repos de la taupe, sa chambre à coucher, le nid de la famille. Deux chemins de ronde l’entourent à distance : l’un inférieur A, plus grand ; l’autre supérieur B, de diamètre moindre ; ce sont deux étages circulaires propres à la surveillance de l’appartement central. De l’étage supérieur, où elle peut se rendre par l’un des trois canaux D communiquant avec sa chambre, de l’étage supérieur, dis-je, la taupe écoute ce qui se passe dehors. Si quelque danger la menace, une demi-douzaine de passages E s’offrent pour descendre sans délai à l’étage inférieur et de là gagner l’un des nombreux couloirs de fuite F. Ceux-ci rayonnent dans toutes les directions ; après un court trajet, ils s’infléchissent et viennent aboutir au grand chemin de sortie P. Si le péril la surprend dans sa chambre même, la taupe disparaît par le canal H, qui part des bas-fonds de l’édifice, se recourbe et débouche encore dans la grande voie P.

Émile. — C’est à se perdre dans tous ces canaux, ces circuits, ces étages. La maison de la taupe est bien compliquée.

Paul. — Pour nous peut-être, pour elle non. Avec son labyrinthe, dont elle connaît si bien les issues, les tours et les détours, elle se soustrait prestement au danger. Vous croyez la saisir dans son gîte, mais pst ! elle est partie, et vous ne savez pas où.

Les couloirs de fuite, tant ceux qui rayonnent autour de la galerie circulaire inférieure que celui qui part directement de la chambre, viennent tous aboutir en P, porte d’entrée du nid. Là commence le grand chemin de communication entre le gîte et le terrain de chasse, la galerie permanente où la taupe passe et repasse trois et quatre fois par jour, enfin toutes les fois qu’elle va en expédition ou qu’elle rentre chez elle. Cette galerie, toujours la même tant que dure l’habitation, est bien mieux soignée que les simples fouilles faites au jour le jour pour les besoins de la chasse ; elle est plus profondément située, plus large, lisse et bien battue ; aucune taupinée ne la surmonte ; sa couverture de terre n’est pas crevassée ; cependant quelque chose la trahit aux regards. À cause des incessantes allées et venues de la taupe, les racines y sont plus endommagées que dans les galeries ordi-