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richesses ne suffisaient pas, non pour la quantité mais pour la qualité. Elles provenaient de l’habitation voisine, séparée de la mienne par un petit champ de blé et d’oliviers. J’avais à craindre que les insectes issus de ces nids ne fussent influencés héréditairement par leurs ancêtres, hôtes du hangar depuis de longues années. L’abeille dépaysée reviendrait peut-être guidée par l’habitude invétérée de sa famille ; elle retrouverait le hangar de ses ascendants, et de là regagnerait sans difficulté son nid. Puisqu’il est de mode aujourd’hui de faire jouer un très grand rôle à ces influences héréditaires, il convient de les éliminer de mes expériences. Il me faut des abeilles étrangères, transportées de loin, pour lesquelles le retour à l’emplacement natal ne peut favoriser en rien le retour au nid déplacé.

Favier se chargea de l’affaire. Il avait découvert sur les bords de l’Aygues, à plusieurs kilomètres du village, une masure abandonnée où les Chalicodomes s’étaient établis en colonie très populeuse. Il voulait prendre la brouette pour transporter les moellons à cellules ; je l’en dissuadai : les cahotements du véhicule sur des sentiers très caillouteux, pouvaient compromettre le contenu des cellules. Une corbeille portée sur l’épaule fut préférée. Il s’adjoignit un aide et partit. L’expédition me valut quatre tuiles bien peuplées. C’est tout ce qu’ils pouvaient porter à eux deux ; et encore à leur arrivée fallut-il payer la rasade : ils étaient éreintés. Le Vaillant nous parle d’un nid de Républicains dont il chargeait un chariot attelé de deux buffles. Mon Chalicodome rivalise avec l’oiseau de l’Afrique australe : le couple de buffles n’eût pas été de trop pour déménager en entier le nid des bords de l’Aygues.