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lines qu’ils franchiront en remontant la pente non loin du sol. La vue leur fait éviter les obstacles sans les renseigner sur la direction générale à suivre. La météorologie n’est pas davantage en cause : pour quelques kilomètres de déplacement, le climat n’a pas varié. L’expérience du chaud, du froid, du sec et de l’humide, n’a pas instruit mes chalicodomes : une existence de quelques semaines ne le permet pas. Et seraient-ils versés dans les points cardinaux, l’identité climatologique du point où est leur nid et du point où ils sont relâchés, laisserait indéterminée la direction à suivre.

Pour expliquer tous ces mystères, on arrive donc forcément à invoquer un autre mystère, c’est-à-dire une sensibilité spéciale, refusée à la nature humaine. Ch. Darwin, dont personne ne récusera l’imposante autorité, arrive à la même conclusion. S’informer si l’animal n’est pas impressionné par les courants telluriques, s’enquérir s’il n’est pas influencé par l’étroit voisinage d’une aiguille aimantée, n’est-ce pas reconnaître une sensibilité magnétique ? Possédons-nous une faculté analogue ? Je parle du magnétisme des physiciens, bien entendu, et non du magnétisme des Mesmer et des Cagliostro. Certes nous ne possédons rien d’approchant. Qu’aurait à faire le marin de sa boussole s’il était boussole lui-même ?

Ainsi le maître l’admet : un sens spécial, si étranger à notre organisation que nous ne pouvons pas même nous en faire une idée, dirige le pigeon, l’hirondelle, le chat, le chalicodome et tant d’autres, en pays étranger. Que ce soit magnétique ou non, je ne déciderai pas, satisfait d’avoir contribué, pour une part non petite, à démontrer son existence. Un sens de plus,