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adroit et ingénieur habile. Il ne s’agissait pas seulement pour lui de construire un réduit profond qui pût le dérober aux poursuites de ses ennemis, il fallait encore qu’il établît là son observatoire pour épier sa proie et s’élancer sur elle comme un trait. La Tarentule a tout prévu : le conduit souterrain a effectivement d’abord une direction verticale ; mais à quatre ou cinq pouces du sol, il se fléchit à angle obtus, il forme un coude horizontal, puis redevient perpendiculaire. C’est à l’origine de ce tube que la Tarentule s’établit en sentinelle vigilante et ne perd pas un instant de vue la porte de sa demeure ; c’est là qu’à l’époque où je lui faisais la chasse j’apercevais ces yeux étincelants comme des diamants, lumineux comme ceux du chat dans l’obscurité.

« L’orifice extérieur du terrier de la Tarentule est ordinairement surmonté par un tuyau construit de toutes pièces par elle-même. C’est un véritable ouvrage d’architecture, qui s’élève jusqu’à un pouce au-dessus du sol et a parfois deux pouces de diamètre, en sorte qu’il est plus large que le terrier lui-même. Cette dernière circonstance, qui semble avoir été calculée par l’industrieuse aranéide, se prête à merveille au développement obligé des pattes au moment où il faut saisir la proie. Ce tuyau est principalement composé par des fragments de bois sec unis par un peu de terre glaise, et si artistement disposés les uns au-dessus des autres, qu’ils forment un échafaudage en colonne droite, dont l’intérieur est un cylindre creux. Ce qui établit surtout la solidité de cet édifice tubuleux, de ce bastion avancé, c’est qu’il est revêtu, tapissé en dedans, d’un tissu ourdi par les filières de la Lycose et se continuant dans tout