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l’Araignée, vers la naissance du ventre. Une maladresse de ma part le fait détacher au moment de l’extraction. C’est fini : il ne se développera pas ; je ne pourrai assister à l’évolution de la larve. La Tarentule est immobile, souple comme à l’état de la vie, sans trace aucune de blessure. C’est la vie, en effet, moins le mouvement. De loin en loin, le bout des tarses frémit un peu, et c’est tout. Vieil habitué à ces trompeurs cadavres, je vois en esprit ce qui s’est passé : l’Aranéide a été piquée dans la région du thorax, une seule fois sans doute, vu la concentration de son appareil nerveux. Je mets la victime dans une boîte, où elle se conserve avec toute la fraîcheur, toute la flexibilité de la vie, depuis le 2 août jusqu’au 2 septembre, c’est-à-dire pendant sept semaines. Ces merveilles nous sont familières ; inutile de s’y arrêter.

Le plus important m’échappe. Ce que je désirais, ce que je désire encore aujourd’hui, c’est de voir le Pompile aux prises avec la Lycose. Quel duel, où la ruse de l’un doit maîtriser les terribles armes de l’autre ! L’hyménoptère pénètre-t-il dans le terrier pour surprendre la Tarentule au fond de son repaire ? Ce serait témérité pour lui fatale. Où le gros Bourdon périt à l’instant, l’audacieux visiteur périrait aussitôt entré. L’autre n’est-elle pas là, face à face, prête à lui happer la nuque, dont la blessure amènerait la mort soudaine ? Non, le Pompile n’entre pas chez l’Araignée, c’est évident. La surprend-il hors de sa forteresse ? Mais la Lycose est casanière ; pendant l’été, je ne la vois pas errer. Plus tard, dans l’arrière-saison, lorsque les Pompiles ont disparu, elle vagabonde ; devenue bohémienne, elle promène en plein air sa populeuse