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recule. Il examine, il tourne un instant autour du gibier convoité, puis s’éloigne sans rien tenter. Lui parti, la Ségestrie rentre à reculons chez elle. Pour la seconde fois, l’hyménoptère passe à proximité d’un entonnoir habité. L’Aranéide aux aguets se montre aussitôt sur le seuil de son logis, à demi hors du tube, prête à la défense et peut-être aussi à l’attaque. Le Pompile s’éloigne, et la Ségestrie rentre dans son tube. Nouvelle alerte, le Pompile revient ; nouvelle menaçante démonstration de la part de l’Araignée. Sa voisine, un peu plus tard, fait mieux : tandis que le chasseur rôde au voisinage de l’entonnoir, elle bondit tout à coup hors du tube, ayant à la filière le cordon de sûreté qui la préservera de la chute si un faux pas est fait ; elle s’élance et se jette au-devant du Pompile, à une paire de décimètres du trou. L’hyménoptère, comme effaré, tout aussitôt décampe ; et la Ségestrie, d’une reculade non moins brusque, rentre chez elle.

Voilà convenons-en, un étrange gibier : il ne se dissimule pas, il s’empresse de se montrer ; il ne fuit pas, il se jette au-devant du chasseur. Si l’observation s’arrêtait là, pourrait-on dire qui des deux est le chasseur, qui des deux est le chassé ? Ne prendrait-on pas en pitié l’imprudent Pompile ? Qu’un fil du traquenard l’enlace par la patte et c’en est fait de lui. L’autre sera là, le poignardant à la gorge. Quelle est donc sa méthode contre la Ségestrie, toujours sur le qui-vive, prête à la défense, audacieuse jusqu’à l’agression ! Etonnerai-je le lecteur en lui disant que ce problème m’a passionné, qu’il m’a tenu des semaines durant, en contemplation devant la triste muraille ? Mon récit n’en sera pas moins bref.