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À diverses reprises, je vois le Pompile brusquement se jeter sur l’une des pattes de l’Araignée, la saisir avec les mandibules et faire effort pour extraire la bête de son tube. C’est un élan soudain, un coup de surprise de trop courte durée pour permettre à l’Aranéide d’y parer. Heureusement les deux pattes d’arrière sont cramponnées au logis, et la Ségestrie en est quitte pour un soubresaut, car l’autre, l’ébranlement donné, se hâte de lâcher prise : s’il persistait, l’affaire tournerait mal. Le coup manqué, l’hyménoptère recommence à d’autres entonnoirs ; il reviendra même au précédent lorsque l’alerte se sera un peu calmée. Toujours sautillant et voletant, il rôde autour de l’embouchure d’où la Ségestrie le surveille, les pattes étalées. Il épie l’instant propice ; il bondit, happe une patte, tire à lui et se jette à l’écart. Le plus souvent l’Araignée tient bon ; parfois elle est entraînée hors du tube, à quelques pouces, mais aussitôt elle y rentre à la faveur sans doute de son câble de sûreté non rompu.

L’intention du Pompile est visible : il veut expulser l’Araignée de sa forteresse et la projeter au loin. Tant de persévérance amène le succès. Cette fois-ci cela va bien : d’un élan vigoureux et bien calculé, l’hyménoptère a extrait la Ségestrie, qu’il laisse choir à terre tout aussitôt. Etourdie de sa chute et encore plus démoralisée une fois hors de son embuscade, l’Aranéide n’est plus l’audacieux adversaire de tantôt. Elle rassemble ses pattes et se blottit dans un pli du sol. Le chasseur est à l’instant là pour opérer l’expulsée. À peine ai-je le temps de m’approcher pour surveiller le drame, que la patiente est paralysée d’un coup d’aiguillon dans le thorax.