Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas fouler sous les pieds le mineur absorbé dans son ouvrage. Voilà bien un quart de siècle que je n’avais pas revu le pétulant chasseur de Criquets. Quand je fis sa connaissance, j’allais le visiter à quelques kilomètres ; chaque fois c’était une expédition sous l’accablant soleil du mois d’août. Aujourd’hui je le retrouve devant ma porte, nous sommes d’intimes voisins. L’embrasure des fenêtres closes fournit au Pélopée un appartement à température douce. Contre la paroi en pierres de taille est fixé le nid, maçonné avec de la terre. Pour rentrer chez lui, le chasseur d’araignées profite d’un petit trou accidentellement ouvert dans les volets fermés. Sur les moulures des persiennes, quelques Chalicodomes isolés bâtissent leur groupe de cellules ; à la face intérieure des contrevents entrebâillés, un Eumène édifie son petit dôme de terre, que surmonte un court goulot évasé. La Guêpe et le Poliste sont mes commençaux ; ils viennent sur la table s’informer si les raisins servis sont bien à maturité.

Voilà certes, et le dénombrement est loin d’être complet, voilà une société aussi nombreuse que choisie, et dont la conversation ne manquera pas de charmer ma solitude si je parviens à savoir la provoquer. Mes chères bêtes d’autrefois, mes vieux amis, d’autres de connaissance plus récente, tous sont là, chassant, butinant, construisant dans une étroite proximité. D’ailleurs, s’il faut varier les lieux d’observation, à quelques centaines de pas est la montagne, avec ses maquis d’arbousiers, de cistes et de bruyères en arbre ; avec ses nappes sablonneuses chères aux Bembex ; avec ses talus marneux exploités par divers Hyménoptères. Et voilà pourquoi, prévoyant ces richesses, j’ai fui la