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par la sape, fuit éclopée, quelquefois même blessée mortellement, sans songer à faire usage de son dard venimeux, si ce n’est lorsqu’on la saisit. Bien d’autres hyménoptères, collecteurs de miel ou chasseurs, sont tout aussi bénins ; et je peux affirmer aujourd’hui, après une longue expérience, que seuls les hyménoptères sociaux, Abeille domestique, Guêpes et Bourdons, savent combiner une défense commune, et seuls osent fondre isolément sur l’agresseur pour en tirer une vengeance individuelle.

Grâce à cette bénignité inattendue de l’abeille maçonne, j’ai pu, des heures entières, poursuivre à loisir mes recherches, assis sur une pierre au milieu de l’essaim murmurant et éperdu, sans recevoir un seul coup d’aiguillon, bien que je n’eusse pris aucune précaution pour m’en préserver. Des gens de la campagne venant à passer et me voyant assis, impassible, au milieu du tourbillon d’abeilles, se sont arrêtés, ébahis, pour me demander si je les avais conjurées, ensorcelées, puisque je paraissais n’avoir rien à en redouter. « Mé, moun bel ami, li-z-avé doun escounjurado què vou pougnioun pa, canèu de sort ! » Mes divers engins répandus à terre, boîtes, flacons, tubes de verre, pinces, loupes ont été certainement pris par ces bonnes gens pour les instruments de mes maléfices.

Procédons maintenant à l’examen des cellules. Les unes sont encore ouvertes et ne contiennent qu’une provision plus ou moins complète de miel. Les autres sont hermétiquement fermées avec un couvercle de terre. Le contenu de ces dernières est fort variable. Tantôt c’est une larve d’hyménoptère ayant achevé sa pâtée ou étant sur le point de l’achever ; tantôt une