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Mais si l’on admet à leur proximité un objet quelconque, ils ne manquent de s’y accrocher avec une prestesse surprenante. Une feuille de graminée, un fétu de paille, la branche de mes pinces que je leur présente, tout leur est bon, tant il leur tarde de quitter le séjour provisoire de la fleur. Il est vrai qu’arrivés sur ces objets inanimés, ils reconnaissent bientôt qu’ils ont fait fausse route, ce que l’on voit à leurs marches et contre-marches affairées, et à leur tendance à revenir sur la fleur, s’il en est temps encore. Ceux qui se sont ainsi jetés étourdiment sur un bout de paille et qu’on laisse retourner à la fleur, se reprennent difficilement au même piège. Il y a donc aussi, pour ces points animés, une mémoire, une expérience des choses.

Après ces essais, j’en ai tenté d’autres avec des matières filamenteuses, imitant plus ou moins bien le duvet des hyménoptères, avec de petits morceaux de drap ou de velours coupés sur mes vêtements, avec des tampons de coton, avec des pelotes de bourre récoltée sur les gnaphales. Sur tous ces objets, présentés au bout des pinces, les Méloés se sont précipités sans difficulté aucune ; mais loin d’y rester en repos, comme ils le font sur le corps des hyménoptères, ils m’ont bientôt convaincu, par leurs démarches inquiètes, qu’ils se trouvaient aussi dépaysés dans ces fourrures que sur la surface glabre d’un tuyau de paille. Je devais m’y attendre : ne venais-je pas de les voir errer sans repos sur les gnaphales enveloppés de bourre cotonneuse ? S’il leur suffisait d’atteindre l’abri d’un duvet pour se croire arrivés à bon port, presque tous périraient, sans autre tentative, au milieu du duvet des plantes.

Présentons maintenant des insectes vivants, et d’a-