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neux gibier, l’Ammophile se met en recherche de sa capture. Aisément elle la trouve. C’est un ver gris qui gît à terre et que les fourmis ont déjà envahi. Cette pièce, que les fourmis lui disputent, est dédaignée par le chasseur. Beaucoup d’hyménoptères déprédateurs, qui momentanément abandonnent leur capture pour aller perfectionner le terrier ou même le commencer, déposent leur gibier en haut lieu, sur une touffe de verdure, pour le mettre à l’abri des rapines. L’Ammophile est versée dans cette prudente pratique ; mais peut-être a-t-elle négligé la précaution, ou bien la lourde pièce est-elle tombée, et maintenant les fourmis tiraillent à qui mieux mieux la somptueuse victuaille. Chasser ces larrons est impossible : pour un de détourné, dix reviendraient à l’attaque. L’hyménoptère paraît en juger ainsi, car, l’envahissement reconnu, il se remet en chasse, sans nul démêlé, qui n’aboutirait à rien.

Les recherches se font dans un rayon d’une dizaine de mètres autour du nid. L’Ammophile explore le sol pédestrement, petit à petit, sans se presser ; de ses antennes, courbées en arc, elle fouette continuellement le terrain. Le sol dénudé, les points caillouteux, les endroits gazonnés sont indistinctement visités. Pendant près de trois heures, au plus fort du soleil, par un temps lourd, qui sera suivi le lendemain d’une pluie et le soir même de quelques gouttes, je suis, sans la quitter un instant du regard, l’Ammophile en recherches. Que c’est donc difficile à trouver, un ver gris, pour un hyménoptère qui en a besoin à l’instant même !

Ce n’est pas moins difficile pour l’homme. On sait