Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, deuxième série, 1894.pdf/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mues, des changements de peau en nombre plus ou moins grand ; mais ces mues, destinées à favoriser le développement de la larve en la dépouillant d’une enveloppe devenue trop étroite, n’altèrent en rien sa forme extérieure. Après toutes les mues qu’elle a pu subir, la larve conserve les mêmes caractères. Si elle est d’abord coriace, elle ne deviendra pas molle ; si elle est pourvue de pattes, elle n’en sera pas privée plus tard ; si elle est munie d’ocelles, elle ne deviendra pas aveugle. Il est vrai que pour ces larves à forme invariable, le régime reste le même pendant toute leur durée, ainsi que les circonstances dans lesquelles elles doivent vivre.

Mais supposons que ce régime varie, que le milieu où elles sont appelées à vivre change, que les circonstances accompagnant leur évolution puissent profondément se modifier, alors il est évident que la mue peut, doit même approprier l’organisation de la larve à ces nouvelles conditions d’existence. La larve primaire des Sitaris vit sur le corps de l’Anthophore. Ses périlleuses pérégrinations exigent de la prestesse dans les mouvements, des yeux clairvoyants, de savants appareils d’équilibre ; elle a, en effet, une forme svelte, des ocelles, des pattes, des organes spéciaux propres à prévenir une chute. Une fois dans la cellule de l’Abeille, elle doit en détruire l’œuf ; ses mandibules acérées et recourbées en crochets rempliront cet office. Cela fait, la nourriture change : après l’œuf de l’Anthophore, la larve va manger la pâtée de miel. Le milieu où elle doit vivre change aussi : au lieu de s’équilibrer sur un poil de l’Anthophore, il lui faut maintenant flotter sur un liquide visqueux ; au lieu de vivre au grand jour, elle doit rester plongée dans la plus profonde obscurité.