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2° L’Ammophile abandonne alors son gibier. Elle s’aplatit à terre, avec des mouvements désordonnés, avec des rotations sur le flanc, des tiraillements et des pendiculations de membres, des frémissements d’ailes, comme en danger de mort. Je crains que le chasseur n’ait, dans la lutte, reçu un mauvais coup. L’émoi me gagne de voir ainsi piteusement finir le vaillant hyménoptère, et se terminer par un échec une expérience qui m’avait coûté de si longues heures d’attente. Mais voici que l’Ammophile se calme, se brosse les ailes, se frise les antennes et reprend sa démarche alerte pour courir sus à la chenille. Ce que j’avais pris pour les convulsions d’une mort prochaine était le frénétique enthousiasme de la victoire. L’hyménoptère se félicitait à sa manière d’avoir terrassé le monstre.

3° L’opérateur happe la chenille par la peau du dos, un peu plus bas que précédemment, et pique le second anneau, toujours à la face ventrale. Je le vois alors graduellement reculer sur le ver gris, saisir chaque fois le dos un peu plus bas, l’enlacer avec les mandibules, amples pinces à branches recourbées, et chaque fois plonger l’aiguillon dans l’anneau suivant. Ce recul de l’insecte et cet enlacement du dos par degrés, un peu plus en arrière à chaque reprise, se font avec une précision méthodique, comme si le chasseur aunait son gibier. À chaque recul, le dard pique l’anneau suivant. Ainsi sont blessés les trois anneaux thoraciques, à pattes vraies ; les deux anneaux suivants, qui sont apodes ; et les quatre anneaux à fausses pattes. En tout, neuf coups d’aiguillon. Les quatre derniers segments sont négligés, sur lesquels trois apodes et le dernier ou treizième avec fausses pattes. L’opéra-