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tion s’accomplit sans difficultés sérieuses ; le premier coup de stylet reçu, le ver gris n’oppose qu’une faible résistance.

4° Finalement l’Ammophile, ouvrant dans toute leur ampleur ses tenailles mandibulaires, happe la tête du ver et la mâchonne, la comprime à coups mesurés, sans blessure. Ces coups de pression se succèdent avec une lenteur étudiée ; l’insecte paraît chercher à se rendre compte chaque fois de l’effet produit ; il s’arrête, attend, puis reprend. Pour atteindre le but désiré, cette manipulation sur le cerveau doit avoir des limites qui, dépassées, amèneraient la mort et à bref délai la corruption. Aussi l’hyménoptère mesure-t-il la force de ses coups de tenaille, qui sont nombreux du reste, une vingtaine environ.

Le chirurgien a terminé. L’opérée gît à terre sur le flanc, à demi roulée sur elle-même. Elle est immobile, inerte, incapable de résistance pendant le travail de traction qui doit l’amener au logis, inoffensive pour le vermisseau qui doit s’en nourrir. L’Ammophile l’abandonne sur les lieux mêmes de l’opération et revient à son nid, où je la suis. Elle s’y livre à des retouches en vue de l’emmagasinement. Un gravier qui fait saillie à la voûte pourrait entraver la mise en caveau de l’encombrante pièce. Le bloc est arraché. Un grincement d’ailes frôlées accompagne le rude labeur. La chambre du fond n’est pas assez spacieuse ; elle est agrandie. Les travaux se prolongent, et la chenille que j’ai négligé de surveiller pour ne rien perdre des actes de l’hyménoptère, est envahie par les fourmis. Quand nous y revenons, l’Ammophile et moi, elle est toute noire d’actifs dépeceurs. C’est pour moi incident regrettable, c’est