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LE VER GRIS

l’impression. Impression de quoi ? Si c’était en réalité une impression d’odeur, l’immobilité leur serait plus favorable qu’une perpétuelle agitation.

Mais il y a mieux : l’odorat sans odeur n’a pas de raison d’être. Or j’ai soumis le ver gris à ma propre expertise ; je l’ai donné à flairer à des narines jeunes, bien plus sensibles que les miennes ; aucun de nous n’a constaté dans la chenille la plus faible trace d’odeur. Quand le chien, célèbre par son flair, a connaissance de la truffe sous terre, il est guidé par le fumet du tubercule, fumet très appréciable pour nous, même à travers l’épaisseur du sol. Je reconnais au chien un odorat plus subtil que le nôtre ; il s’exerce à de plus grandes distances, il reçoit des impressions plus vives et plus tenaces ; toutefois il est impressionné par des effluves odorants qui deviennent sensibles à nos narines dans les conditions convenables de proximité.

J’accorderai, si l’on veut, à l’Ammophile un sens d’olfaction aussi délicat, plus délicat même que celui du chien ; mais encore faudrait-il une odeur, et je me demande comment ce qui est inodore à l’entrée même des narines peut être odorant pour un insecte à travers l’obstacle du sol. Les sens, s’ils ont mêmes fonctions, ont mêmes excitateurs depuis l’homme jusqu’à l’infusoire. Dans ce qui est ténèbres absolues pour nous, aucun animal ne voit clair, que je sache. On pourra dire, je le sais, que dans la série zoologique, la sensibilité, toujours la même au fond, a des degrés de puissance : telle espèce est capable de plus, et telle autre est capable de moins ; le sensible pour l’une est l’insensible pour l’autre. Rien de plus juste ; cependant l’insecte, considéré d’une manière générale, ne paraît