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non assimilables, même de loin, à ceux que nous possédons nous-mêmes.

Si l’acte de l’Ammophile était un fait isolé, je ne m’y serais pas arrêté comme je viens de le faire ; mais je me propose d’en faire connaître de plus étranges encore, imposant la conviction à l’esprit le plus exigeant. Après les avoir racontés, je reviendrai donc sur ce sujet de sens spéciaux, irréductibles, à nous inconnus.

Pour le moment revenons au ver gris, qu’il n’est pas inopportun de connaître d’une façon moins sommaire. J’en avais quatre, exhumés avec le couteau aux points que m’indiquait l’Ammophile. Mon dessein était de les substituer un à un à la victime sacrifiée, pour voir se répéter l’opération de l’hyménoptère. Ce projet n’ayant pas abouti, je mis les vers dans un bocal avec couche de terre et trognon de laitue par-dessus. De jour, mes captifs restaient ensevelis ; de nuit, ils remontaient à la surface, où je les surprenais rongeant la salade en dessous. En août, ils s’enfouirent pour ne plus remonter, et se façonnèrent chacun un cocon de terre, très grossier à la face externe, de forme ovoïde et de la grosseur d’un petit œuf de pigeon. À la fin du même mois parut le papillon. J’y reconnus la Noctuelle des moissons, Noctua segetum Hubner.

Ainsi l’Ammophile hérissée sert à ses larves des chenilles de Noctuelles, et son choix se porte exclusivement sur les espèces à mœurs souterraines. Ces chenilles, vulgairement connues sous le nom de ver gris à cause de leur costume grisâtre, sont un fléau des plus redoutables pour les champs de grande culture ainsi que pour les jardins. Tapies de jour au fond de leurs