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terriers, elles remontent de nuit vers la surface et rongent le collet des végétaux herbacés. Tout leur est bon, la plante ornementale comme la plante potagère. Les massifs de fleurs, les carrés de légumes, les champs sont indistinctement ravagés. Lorsqu’un plant se flétrit, sans cause apparente, tirez à vous légèrement, et le moribond viendra, mais tronqué, détaché de sa racine. Le ver gris, dans la nuit, a passé par là ; ces voraces mandibules ont fait la mortelle section. Ses dégâts rivalisent avec ceux du ver blanc ou larve du Hanneton. Quand il pullule dans un pays à betteraves, la valeur des pertes se chiffre par millions. Tel est le terrible ennemi contre lequel nous vient en aide l’Ammophile.

Je signale à l’agriculture et je lui recommande avec insistance ce précieux auxiliaire, si zélé pour rechercher le ver gris au printemps, si habile pour en découvrir les clapiers. Une Ammophile dans un jardin, c’est peut-être un carré de laitues sauvegardé, une plate-bande de balsamines tirée de péril. Mais que viennent faire ici des recommandations ! Nul ne songe à détruire le gracieux hyménoptère, qui va voletant avec prestesse d’une allée à l’autre, qui visite un coin du jardin, puis celui-ci, puis celui-là, puis le suivant ; nul ne songe non plus, et nul ne peut songer, hélas ! à favoriser sa multiplication.

Dans l’immense majorité des cas, l’insecte échappe à notre pouvoir ; l’exterminer s’il est nuisible, le propager s’il est utile, sont pour nous œuvre impraticable. Singulière antithèse de force et de faiblesse : l’homme tranche des lambeaux de continent pour faire communiquer deux mers, il perfore les Alpes, il