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heureux que le premier. C’est l’impossible se répétant, l’impossible à la seconde puissance.

Ne nous rebutons pas encore, sondons le problème jusqu’au bout. Voilà un hyménoptère, le précurseur quel qu’il soit de notre Ammophile, qui, servi par le hasard, vient de réussir par deux fois et peut-être davantage, à mettre la proie en cet état d’inertie qu’exige impérieusement l’éducation de l’œuf. S’il a frappé de l’aiguillon en face d’un centre nerveux plutôt qu’ailleurs, il n’en sait rien, il ne s’en doute pas. Rien ne le portant à choisir, il agissait à l’aventure. À prendre la théorie de l’instinct au sérieux, il faut néanmoins admettre que cet acte fortuit, indifférent pour l’animal, a laissé trace profonde et fait telle impression que désormais la savante manœuvre qui paralyse en lésant les centres nerveux est transmissible par hérédité. Les successeurs de l’Ammophile, par un privilège prodigieux, hériteront de ce que la mère n’avait pas. Ils sauront par instinct le point ou les points où doit se porter l’aiguillon ; car s’ils en étaient encore au noviciat, s’ils avaient à courir, eux et leurs successeurs, les chances du hasard pour corroborer de plus en plus l’incitation naissante, ils reviendraient à la probabilité si voisine de zéro ; ils y reviendraient chaque année, pendant de longs siècles ; et néanmoins l’unique chance favorable devrait toujours se présenter. Ma foi est très ébranlée en une habitude acquise par cette longue répétition de faits dont un seul, pour se produire, doit exclure tant de chances contraires. Deux lignes de calcul démontreraient à quelles absurdités la théorie se heurte.

Ce n’est pas fini. Il y aurait à se demander comment des actes fortuits, pour lesquels l’animal n’était pas pré-