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répété témoignera de l’interprétation juste ; et s’il ne se reproduit pas ailleurs, avec les variations qu’il peut comporter, le cas des Eumènes restera un fait très curieux, sans acquérir la haute portée que je lui soupçonne. Généralisons pour mieux établir.

Or, non loin des Eumènes prennent rang les Odynères, les Guêpes solitaires de Réaumur. Mêmes costumes, mêmes ailes pliées en long, mêmes instincts giboyeurs, et surtout, condition par excellence, mêmes entassements de proie assez mobile encore pour être dangereuse. Si mes raisons sont fondées, si je prévois juste, l’œuf de l’Odynère doit être appendu au plafond de la loge comme l’œuf de l’Eumène. Ma conviction, basée sur la logique, est si formelle, que je crois déjà apercevoir cet œuf, récemment pondu, tremblotant au bout du fil sauveteur.

Ah ! je l’avoue, il me fallait une foi robuste pour nourrir l’audacieux espoir de trouver quelque chose de plus là où les maîtres n’avaient rien vu. Je lis et relis le mémoire de Réaumur sur la Guêpe solitaire. L’Hérodote des insectes est riche de documents ; mais rien, absolument rien sur l’œuf appendu. Je consulte L. Dufour, qui traite pareil sujet avec sa verve accoutumée : il a vu l’œuf, il le décrit ; mais quant au fil suspenseur, rien, toujours rien. J’interroge Lepelletier, Audoin, Blanchard : silence complet sur le moyen de protection que je prévois. Est-il possible qu’un détail de si haute importance ait échappé à de tels observateurs ? Suis-je dupe de l’imagination ? Le système de sauvegarde qu’une logique serrée me démontre n’est-il pas rêve de ma part ? Ou les Eumènes m’ont menti, ou mes espérances sont fondées. Et disciple