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XII

LES ÉPEIRES. — LA PROPRIÉTÉ

Un chien a trouvé un os. Couché à l’ombre, il le tient entre les pattes, amoureusement l’étudie. C’est son bien intangible, sa propriété. Une Épeire a tissé sa toile. Encore une propriété, et de plus haut titre que l’autre. Favorisé du hasard et servi par le flair, le chien a fait simple trouvaille, de coût nul en débours ainsi qu’en industrie. L’Araignée est mieux que propriétaire fortuite ; elle est créatrice de son bien. Elle en a tiré la substance de ses entrailles, et la structure de ses talents. S’il est une propriété sacrée, c’est bien celle-là.

Bien au-dessus est le travail de l’assembleur d’idées, qui ourdit un livre, autre toile d’Araignée, et de sa pensée fait quelque chose capable de nous instruire ou de nous émouvoir. Pour protéger chez nous l’analogue de l’os du chien, nous avons le gendarme, expressément inventé dans ce but. Pour protéger le livre, nous n’avons que des moyens dérisoires. Mettons l’une sur l’autre quelques pierres avec du mortier, et la loi défendra notre mur. Construisons par l’écrit un édifice de nos méditations, et, sans graves entraves, il sera loisible à chacun d’y puiser des moellons, de prendre même le tout si cela lui convient. Une casemate à lapins est une propriété, l’œuvre de la pensée ne l’est pas. Si la bête