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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

autre manière ; nul circuit adoucissant la route ardue et préparant l’accès ; nulle ouverture auxiliaire par où filtre un peu de jour. Incomparablement inférieur à la parole qui recommence avec d’autres moyens d’attaque et sait varier les sentiers acheminant à la lumière, le livre dit ce qu’il dit, et rien de plus.

Sa démonstration terminée, que vous compreniez ou non, l’oracle est inexorablement muet. Vous relisez le texte, obstinément le méditez ; vous passez et repassez votre navette dans la trame du calcul. Efforts inutiles, l’obscurité persiste. Souvent que faudrait-il pour donner le rayon illuminateur ? Un rien, un simple mot ; et ce mot, le livre ne le dit pas.

Heureux celui que guide la parole d’un maître ! Sa marche ne connaît pas les misères des énervants arrêts. Que faire devant la décourageante muraille qui, de temps à autre, se dressait me barrant le chemin ? Je suivais le précepte de d’Alembert dans ses conseils aux jeunes mathématiciens. « Ayez foi et allez de l’avant, » disait le grand géomètre.

La foi, je l’avais, et j’allais, courageux. Bien m’en prenait, car la clarté que je cherchais devant le mur, souvent je l’ai trouvée derrière. Le mauvais pas délaissé dans l’inconnu, il m’arrivait de cueillir au delà l’explosif capable de le pétarder. C’était d’abord grain timide, humble pelote roulant et s’accroissant. D’une pente à l’autre des théorèmes, la pelote devenait bloc, le bloc devenait puissant projectile qui, revenant sur ses pas, lancé à reculons, éventrait le ténébreux et l’étalait en nappe de lumière.

Il y a du bon, de l’excellent, dans le précepte de d’Alembert, à la condition de ne pas en abuser. Trop de